Histoire politique du Sénégal

Le 4 avril 1960 est considéré comme le jour officiel d’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. C’est à cette date, en effet, que Mamadou Dia, en sa qualité de président du Gouvernement du Sénégal, et Modibo Kéita, qui était le président du Gouvernement du Soudan, ont signé au nom de la Fédération du Mali l’accord de transferts de compétences. Dans cet accord scellé à…Paris (France), la partie française était représentée par Roger Frey et Michel Debré. À partir de ce moment, les événements vont s’accélérer puisque, conformément aux engagements du général De Gaulle en visite à Saint-Louis et à Dakar, l’indépendance de la Fédération du Mali qui regroupe alors le Sénégal et le Soudan français (actuel Mali) est reconnue par la France. Deux mois plus tard, c’est-à-dire le 20 août 1960 exactement, la Fédération du Mali éclate sous les coups de boutoirs des profondes dissensions entre dirigeants sénégalais et soudanais. Le rêve de Léopold Sédar Senghor d’exécutifs fédéraux pour éviter la balkanisation de l’Afrique occidentale venait ainsi de se briser.

 Me Mbaye Jacques Diop, un des témoins privilégiés de cette époque, témoigne : « la fédération du Mali était condamnée à éclater, compte tenu des problèmes d’ego qu’il y avait entre Modibo Keïta et Senghor d’une part, et Modibo Keïta et Mamadou Dia d’autre part. Comme Modibo Keïta tendait à contester le Président Senghor sur toutes les décisions, Mamadou Dia s’était fait le bouclier de Senghor. Modibo était soutenu par Mahamane Alassane Aïdara et Idrissa Traoré qui était un vrai dur à cuire. Il y avait constamment des télescopages parce que Valdiodio Ndiaye, qui faisait partie du cercle restreint de Senghor, avait une forte personnalité ».

 Et le président de l’Association nationale des porteurs de pancartes d’ajouter que le fameux 20 août, « Dakar avait mal, mais il se sentait délivré parce que les Soudanais avaient commencé à se considérer sur en terre colonisée ». La rupture entre le Sénégal et le Soudan était inévitable à cause de leurs profondes divergences sur la conception du pouvoir. En effet, là où les Sénégalais penchent pour le pluralisme, les Soudanais se font, eux, d’ardents défenseurs du parti unique. « Ce jour-là, nous avions mal », se souvient l’ancien maire de Rufisque qui assimile le 20 août 1960 à une journée de deuil.

1962 : La crise qui secoua le Sénégal

Deux ans seulement après son accession à l’indépendance, le Sénégal, incapable d’évoluer dans le système bicéphale que lui imposait une Constitution bâclée, connaît sa deuxième crise politique. Investi Président du Conseil du Gouvernement par l’Assemblée nationale, Mamadou Dia qui entretient des relations heurtées avec Senghor est victime, le 17 décembre 1962, d’une motion de censure et son gouvernement est renversé.

 Auparavant, pour éviter que son gouvernement ne soit renversé, Dia qui privilégie la primauté du parti sur l’Etat, décide de convoquer le Conseil national du parti (Ups à l’époque), seule instance politiquement habilitée à dire si la motion de censure peut être déposée ou non et si les députés doivent l’adopter ou la rejeter. Ainsi, il donne l’ordre aux forces de l’ordre d’encercler l’Assemblée nationale afin de faire respecter la décision du bureau politique. Des arrestations sont opérées dans les rangs des députés meneurs. Empêchés de se réunir dans l’hémicycle, les députés acquis à la cause de Senghor sont invités par le Président de l’Assemblée nationale, Lamine Guèye, un senghorien, à tenir leur réunion chez lui. Renversé et accusé de coup d’Etat, Mamadou Dia est arrêté dès le lendemain du vote de la motion de censure.

Même sort pour quatre de ses compagnons : Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye, Alioune Tall. Au terme d’un procès de cinq jours devant la Haute Cour de Justice, Mamadou Dia écope d’une déportation perpétuelle dans une forteresse de Kédougou. Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye sont condamnés à 20 ans de détention criminelle. Plus chanceux, Alioune Tall écope de 5 ans d’emprisonnement et 10 ans d’interdiction de séjour. Le 3 mars 1963, une nouvelle Constitution avec l’institution d’un régime présidentiel est approuvée par référendum. Le président de la République, Léopold Sédar Senghor, avait les coudées franches pour exercer alors l’ensemble du pouvoir exécutif.

Décrispation

A partir des années 70, Senghor commence à desserrer l’étau autour des adversaires politiques et opère une ouverture dans l’espace politique en faisant adopter par référendum, une révision constitutionnelle instaurant un « régime présidentiel déconcentré » avec la création d’un poste de Premier ministre. Il choisit Abdou Diouf, un jeune technocrate. Dans le même sillage, Dia et ses compagnons sont libérés en 1974. Le 31 juillet de la même année, le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Me Abdoulaye Wade est porté sur les fonts baptismaux. On assiste, le 15 mars, à une révision de la Constitution autorisant l’existence de trois partis politiques correspondant à trois tendances. À côté de l’Ups qui deviendra le Ps, il y a le Pds d’obédience libéralo-démocrate, et le Pai de Majmouth Diop qui s’inspire du marxisme-léninisme. Après les élections législatives et présidentielles de 1978, auxquelles a participé pour la première fois, le Pds et qui sont remportées par le régime de Senghor, l’enfant de Joal commence à manifester des signes de lassitude. C’est ainsi qu’il annonce le 31 décembre 1980 sa décision de se retirer. Une première en Afrique ! A la faveur de l’article 35 de la Constitution, Abdou DioufHabib Thiam lui succède à la primature.

Les 19 ans du règne de Diouf

Confirmé dans ses fonctions présidentielles par le scrutin présidentiel du 27 février 1983 après avoir instauré le multipartisme intégral, Abdou Diouf fait face à une véritable contestation populaire après la présidentielle de 1988 dont la victoire est revendiquée par Abdoulaye Wade. La colère enfle dans la capitale. Dakar est à feu et à sang. L’état d’urgence est proclamé. Le 29 février, Me Abdoulaye Wade et quelques-uns de ses camarades sont arrêtés. Ils sont jugés le 11 mai de la même année et condamnés à un an avec sursis. Alors que le pays fait face à un contexte économique et social de crise, éclate le conflit sénégalo-mauritanien le 25 avril 1989. Suite à des affrontements à Doundé Khoré entre des agriculteurs sénégalais et des gardes mauritaniens, des tueries et autres violences ayant pour cibles les ressortissants des deux pays sont orchestrées.

 A Dakar et dans d’autres localités de l’intérieur du pays, on assiste aux pillages des magasins appartenant aux Mauritaniens. Ils sont parfois lynchés à mort. En Mauritanie, des centaines de Sénégalais sont massacrés et des milliers rapatriés. Dans le lot des rapatriés, des négro-mauritaniens. A la faveur de la révision de la Constitution, la fonction de Premier ministre est rétablie sept ans après sa suppression, et Habib Thiam effectue son come-back. Dans le souci de décrisper le climat politique fortement vicié, Diouf met en place un gouvernement de majorité présidentielle élargie dans lequel siègent les responsables de l’opposition Me Wade et Amath Dansokho.

Aux élections de 1993 qui se sont déroulées dans un contexte de tension politique fortement marquée, qui a vu la démission du juge Kéba Mbaye de la tête du Conseil Constitutionnel, le vice-président de cette institution, Me Babacar Sèye, est froidement assassiné sur la Corniche. C’était le 15 mai 1993. Cités dans l’affaire, Me Wade et certains de ses proches sont arrêtés avant d’être libérés au bout de quelques semaines. A bout de souffle et bousculé par les populations étranglées par les effets des nombreuses années d’ajustement structurel, le régime de Diouf parvient malgré tout à remporter les élections législatives de 1998. Face au climat politique et social qui se dégrade de plus en plus, au vent de l’alternance qui souffle, le régime de Diouf est défait le 19 mars 2000, à l’issue du deuxième tour de la présidentielle. Fair-play, homme d’Etat profondément ancré dans les valeurs républicaines, Diouf reconnaît sa défaite et félicité son vainqueur, Me Abdoulaye Wade. Une nouvelle ère venait de s’ouvrir au Sénégal.

Hawa BOUSSO   

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